lundi 7 septembre 2015

Les femmes élevant seules leurs enfants : vaste marché pour le marketing ou terrifiant désert sentimental ?

Il faut un certain courage pour élever seule ses enfants, quand on choisit de se passer d’un homme au quotidien.  Il en faut encore plus quand on SUBIT la chose alors que l’enfant n’a pas encore l’âge de l’autonomie. Quand le mâle déserte, attiré par un autre chant de sirènes, il faut comprendre que le bateau va prendre une mer agitée, pendant de longues années et cela, dès le lendemain de la rupture.
Il faut un temps pour comprendre cela : qu’une personne manquera pour accomplir toutes ces menues choses qu’une maman effectue chaque jour, avec ses enfants. J’en cite quelques-unes, parmi les plus réjouissantes : le matin : réveiller des enfants endormis, les houspiller pour qu’ils s’habillent, déjeunent correctement, mettent leurs chaussures et surtout leurs lacets, partir rapidement à l’école après avoir fait le dernier pipi qui dure 15 plombes ; le soir vérifier les devoirs, une fois rentrés, après avoir réussi à attraper le train de 17h58 en ayant pesté auparavant contre tous ces gens égarés en gare du Nord, répéter inlassablement « Ne passe pas trop de temps devant l’ordinateur ou la TV »,tout en préparant un repas (purée jambon au choix, quiche, ou à la rigueur, pâtes ?) avec 75 ou 80% de chance qu’ils ne voudront pas les trucs verts qui grouillent dans l’assiette (« ce sont des haricots, mon chéri »), les inciter à aller se doucher car « il est déjà 21h et demain tu n’arriveras pas à te réveiller , ma fille (ou mon fils)»  et se laver les dents - tâche qu’ils accompliront en 58 secondes, voire 34.
J’en passe et des meilleurs. Bien entendu, c’est selon l’âge, l’humeur du jour et le degré d’obscurité derrière la fenêtre. La courte nuit de la mère (se délectant d’une série entre 22h et 03h du matin) sera aussi propice, ou non, à la cordialité ambiante. Une nuit d’amour avec un amant de passage,  n’en parlons pas : cela ne fait en général pas partie du lot de ces 14.5%* de femmes seules vivant avec un enfant  (contre 2.9%* des hommes vivant la même chose).

Les questions sous-jacentes à cette longue entrée en matière sont celles-ci :
Quid de la vie amoureuse, sexuelle de la plupart de ces femmes-là ?
Comment réussissent-elles à retrouver un amant, un amoureux, un compagnon ? Par quel intermédiaire ?
Pourquoi restent-elles seules ? Combien de temps ? 

En général,  ces « femmes-là »  se voient attribuer la garde suite à une défaillance de « leurs hommes » : ils les ont trompées, se sont barrées avec une autre, ou dans le pire des cas, sont morts. Quoique le sujet traité ici est celui des femmes-mères, pas des veuves.
Un peu d’histoire, peut-être ?
Il est amusant de taper sur wikipédia le terme ‘ fille-mère’. On obtient quelques définitions, ou d’emblée quelques citations qui nous hérissent le poil, à nous, femmes-mères du XXIe siècle :
Mais, dans la pratique, celles qu’on appelle des filles-mères sont chichement aidées, tenues en état de mépris et, le plus souvent, jetées à la rue, précipitées aux abîmes. (Ludovic Naudeau, La France se regarde : Le problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)’
Il faut regarder la traduction qui s’inscrit telle quelle, dans le langage de notre moderne siècle, sur cette même page wikipédia : « mères célibataires »…
Ah ! Le terme pourrait revigorer, offrir une liberté que ne permettait pas ce terme méprisant «fille-mère », auquel on associe aussitôt le pêché (du XIXe), le côté « pauvre fille », la fille qui sort du rang, qui devient de suite une fille honnie, mal aimée, et qui, parfois, tombera dans la prostitution, la calomnie, la folie le crime ou la mort (cf. Tess of Uberville de Thomas Hardy, Fanchon, la maman de Cosette dans les Misérables de Hugo, pour ne citer que les plus tristement célèbres).
Non. Les temps ont changé, il faut bien le reconnaître. Le terme est désormais synonyme d’une forme de liberté.
La mère célibataire trempe d’abord un doigt hésitant dans ce mélange étrange, puis la main, le bras et parfois tout le corps. Elle n’est pas programmée pour cela. Elle a appris à devenir mère. Elle a voulu (ou pas) cet enfant avec cet homme. Il l’a quittée. Elle doit réapprendre à devenir femme. C’est un processus qui se déroule presque toujours de la même manière. Au début, elle apprend à garder son enfant 24h sur 24, tous les jours, toutes les vacances, puis le père se souvient qu’il a un gosse : il accepte de le garder un WE sur deux, puis parfois une semaine sur deux, et la moitié des vacances. Ca, c’est le meilleur des cas, quand le père est intelligent, voire quand il est rongé par la mauvaise conscience. Parfois il n’apparaît plus du tout : il a refait sa vie, ne veut plus entendre de la première. Et là, la mère en reste au stade un : la garde à plein tube. L’aide des amis est vitale, dans ces moments-là.
 Donc, au fur et à mesure que l’enfant gagne en autonomie et la mère en temps, elle a envie de revenir à des choses auxquelles son esprit s’était éloigné depuis de longs mois. Une fois, une mère célibataire a avoué à un homme qu’elle était restée seule 7 ans avec ses enfants. Sans avoir envie d’un homme. L’autre l’avait regardée sans comprendre. Forcément.
Quand la mère-célibataire comprend qu’elle peut et qu’elle a le droit d’utiliser du temps pour elle, elle y va. Parfois, trop franchement : l’enfant trinque, diront les plus prudes, quand elle le confie trop souvent à la copine, la baby-sitter, la voisine (plutôt qu’à sa propre mère, car la honte du XIXe siècle la taraude encore et la pousse à se cacher du jugement des autres), pour sortir en boîte  le week-end, en « After » après le boulot, ou à l’hôtel pour s’offrir quelques heures de plaisir avant de reprendre le masque de la mère.
Car tel est le lot de certaines de ces femmes-là.  Elles ont encore envie de plaire, de se donner du plaisir, et d’en donner. En dépit de toutes ces menues tâches citées plus haut. En dépit du jugement qui ne manquera pas de s’exprimer, hypocritement, ou avec une fausse compassion, sur leur comportement ‘ léger’.  Elles sont au cœur de leur sort, de leur destin, de leur solitude, mais dans la plus grande majorité des cas - et ce serait faux de le nier, elles sont victimes de leur situation. Elles ont eu à vivre la déception d’un homme qui les a trompées, les a laissées seules avec des enfants sur les bras. La souffrance qui en découle  (liée à la rupture physique : le corps de cet homme n’est plus dans leurs bras à elles, mais dans ceux d’une autre), la colère, l’incompréhension, le fatalisme, l’ego malmené (« il m’a abandonnée » étant un sentiment inconcevable chez certaines femmes convaincues de leur pouvoir de séduction), l’abattement. Puis viendra le temps du sentiment inéluctable : continuer à tracer la route, pour les enfants, quoi qu’il en coûte. Quoi qu’elles fassent.
Aussi, parler de légèreté pour qualifier le comportement de ces femmes qui ont encore envie d’aimer, c’est d’une totale indécence. Je ne parlerai pas ici de certaines qui font effectivement n’importe quoi, qui laissent leurs enfants régulièrement seuls, la nuit, pour aller baiser avec des mecs d’un soir - cela relève de l’irresponsabilité totale. Je parle de celles qui se sentent encore autant femmes que mères et qui ne comprennent pas pourquoi elles ne devraient être que la seconde, tant vis-à-vis de leur enfant que de la société. De nombreux mâles examinent leur situation sous un angle nonchalant, ronflant (comme lorsqu’on est assis dans un bon fauteuil de cuir duquel on a du mal à s’extraire): « bah elles ont déjà un gosse, elles ne vont pas continuer à nous faire chier, encore : qu’elles s’occupent de leur môme, après tout ».  Cela vaut autant pour les pères (qui se débinent ainsi de bien des tâches), que pour les grand-pères  (le père des mères célibataires) trop heureux de retrouver leur fille, comme au bon vieux temps, avant qu’elles soient mariées (ou en concubinage, ou pacsées), car, si elles ne sont pas trop distantes, elles reviendront toujours vers eux… 
La société dans son grand ensemble (et en particulier les femmes seules sans enfant) pensent ouvertement ainsi: « Ne te plains pas, tu as déjà un gosse, toi ! »

Mais…. Qui s’occupe de connaître leurs états d’âme, le dimanche après-midi, quand elles sont vraiment seules (sur ces fameux week-ends d’un sur deux), et qu’elles entendent les rires d’enfants encadrés par ceux de leurs parents, quand elles se promènent le long d’un canal (de l’Ourcq, de l’Oise…) après avoir peut-être goûté ‘aux joies éphémères du 4h’ (certaines femmes nommant ainsi leurs trois ou quatre conquêtes qu’elles voient, sur des villes différentes pour ne pas créer d’incidents de parcours), avec ce mal de ventre qui surgit lorsqu’elles croisent des couples d’amoureux de 30 ans avec des poussettes dans lesquelles se vautrent de délicieux poupins ?
Qui s’occupe de leur solitude le soir, quand les enfants dorment du sommeil du juste, après un dernier câlin, après avoir respiré leur odeur de maman? Qui s’occupe d’elles quand il est 22h, quand le programme TV est nul, quand les séries ne font plus fantasmer ? Qui s’occupe de leur corps qui réclame des caresses sous des mains expertes (tant qu’à faire : elles deviennent exigeantes et même coupantes en la matière) et des baisers dérivant vers des zones non contrôlées ?
Qui les console quand elles s’attachent à l’un de ces 4h et que le salaud les plante comme de vieilles chaussettes ? Qui a encore envie d’elles quand elles s’aperçoivent que la peau de leur cou commence à se flétrir ?
Eh bien, pour ces femmes-là, aussi, une solution existe. Car oui ; les hommes de marketing ont la science infuse, c’est bien connu. Ils leur ont concocté de super sites pour femmes exigeantes : meetic, tinder, millionnaire.com.  Pour ‘adopte un mec.com’, c’est une femme qui l’a inventée. Et oui, on ne peut pas tout maîtriser, messieurs. Il faut bien en laisser pour les plus nymphomanes.
Alors par milliers, elles s’inscrivent, elles trinquent dans des bars, s’apprêtent afin de paraître encore belles et jeunes. Elles sortent grâce à des soirées ovs (on va sortir.com) où elles font des choses qu’elles n’auraient jamais fait auparavant (je parle de sport comme l’escalade, le deltaplane etc… : ah je vous ai bien eus…). Elles rencontrent des ‘gens sympa ‘ le temps d’une soirée théâtre, d’un cinéma, d’une danse.
Tout cela a un coût, au fait ! On allait passer outre. Taratata, comme dirait l’autre. Ce n’est pas gratis. A ovs, par exemple, vous avez droit à un mois gratuit de sorties pour vous amuser comme des petites folles, et puis si vous voulez retrouver le super mec que vous avez croisé à la sortie n°42157, il faudra payer l’équivalent de 25€. Enfin, quelque chose comme ça. Tout a un prix, dans la vie : même la mise en relation. Même le début d’une amitié. Voire qui sait, d’un amour. Car si si, ça existe : certains se dégotent un mari dans cette histoire. Et puis c’est tellement has been de ne pas en être (sur meetic, je veux dire). C’est d’un autre temps que de croire que l’on rencontrera encore l’homme de sa vie au détour d’une rue, d’une soirée entre amis. Tout doit être prêt à être consommé, ou remboursé. C’est bien connu.
Les femmes ‘mères-célibataires’ ont le choix entre toutes ces vies. Certaines réussissent la bascule : retrouver un équilibre avec un autre homme ayant des enfants, re-devenir heureuses, sans trop de heurts avec l’ancien (homme). Parfois elles ont la malchance de retomber sur de solides goujats (on devrait inventer un nouveau site: « aux abonnésdesalauds.com »), et alors là, elles laissent complètement tomber les mâles, deviennent lesbiennes, ou se consacrent à leurs canaris. A leurs enfants, bien entendu (cela allait de soi, enfin !). Elles ont des passions autre : la lecture, les voyages, le travail, par défaut.  Elles découvrent le vrai sens du mot « entraide ». Elles deviennent membres d’associations caritatives. Se font bonnes sœurs. Enfin, ça, c’est à discuter…
Elles écoutent de la musique jusque pas d’heures, mangent des gâteaux au chocolat même s’il est 23h30. Elles ne supportent plus l’idée de devoir aller chercher des chaussettes sales d’hommes sous le lit. Elles tapissent la cuisine, réparent les éviers bouchés et se curent le nez, le soir, en regardant la TV. Ca, c’est peut-être possible de le faire, aussi, après 15 ans de mariage. Enfin. Bon. Elles s’occupent du mieux possible pour ne plus avoir à penser aux hommes qui les faisaient rire, jouir, pleurer (de bonheur, ça arrive aussi). Ces hommes qui les ont un jour aimé d’un amour vrai (le temps de quelques mois, ou de quelques années, avant de les abandonner car l’herbe est plus verte ailleurs, et parce qu’elles se négligeaient trop en prenant trop au sérieux leur rôle de maman).
Car, après tout, il faut dire les choses. Les femmes -célibataires sont souvent des ‘victimes’. Mais, aussi, parfois de vraies chieuses, de vrais dragons, de vraies soupes-au-lait. Elles sont devenues ainsi parce qu’elles devaient le devenir. Rien n’est blanc ou noir. Tout est à construire, à reconstruire, quand tout a été dit.  

La société construit de drôles d’individus. Des femmes -maîtresses, des femmes maman célibataires  qui  croisent leurs homologues mâles auxquelles elles ressemblent parfois de plus en plus, dans leur comportement. Elles les ont croisées, avant, pour s’accoupler et faire des bébés (leur programmation est ainsi faite). Puis un jour, l’homme (ou la femme) a regardé l’autre dans le blanc des yeux et a décrété «  On ne s’aime plus ». Dès lors, ils n’ont plus fait que s’observer, à la dérobée. Pour se critiquer. Pour relever les défauts réciproques. Pour parfois baiser car il faut bien.
Dans cet amas de cœurs labourés, de corps oubliés, où se cache l’Amour ?  S’il est exhibé dans ses étapes (rencontre-dîner, effets de séduction sponsorisés par morningkiss.com,  consommation ou pas le premier soir) grâce à ces fameuses ‘dates’ organisées par les sites marketing,  où se trouve l’étincelle ? Cet acte fondateur qui lie un homme et une femme? Celui qui naît d’une spontanéité, d’une rencontre fortuite et non programmée ?
Certaines croient encore à l’Amour véritable. Celles-là prennent leur temps. Se disent qu’il leur tombera dessus. Comme les étoiles des poèmes.
A chacune sa voie. Si les femmes-célibataires attendent tout de l’homme, elles seront déçues. Si elles savent être en harmonie avec leurs désirs du moment, peut-être réussiront-elles à ne plus se sentir hors des sentiers balisés (ceux qu’empruntent encore 48%* des hommes et des femmes en couple). Du moins se sentiront-elles plus légères…


*chiffres du dernier recensement INSEE 2012. 

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