PETITES
PENSÉES D'UN DIMANCHE SOUS LE SOLEIL
Février
2015
Il
y eut une pensée, celle de n'être rien d'autre qu'un noyau de chair
s'agitant dans tous les sens, ayant perdu sa boussole.
Il y eut
cette idée, selon laquelle il faut tout déconstruire pour vouloir
se reconstruire.
Il faut
accepter de sombrer encore plus loin dans le chaos intérieur, pour
qu'enfin, un jour, un être nouveau, sachant ce qu'il veut (où et
avec qui il veut vivre), puisse éclore.
Ce temps
est bien loin d'être arrivé. Nous sommes en février 2015, après
ce mois où tant de choses ont changé.
J'ai
l'impression que mon corps s'est imprégné de cette tragédie de
Charlie. Que ma tête résonne encore de la peine terrible, immense
qui m'a ravagée, suite à la connaissance de l'attaque. Que les
visages de ces milliers de personnes avec qui j'ai défilé, le 11
janvier dernier, sous un soleil pâle, se sont incrustés dans le
mien. Qu'ils sont là, avec leur silence, leur tristesse, leurs rires
de circonstance. Ces visages de tous les continents, de tous les
peuples. Le genre humain porté par une magnifique espérance. Celle
de vivre ensemble. En paix.
Et puis,
les rires se sont cristallisés. En une myriade de questions
suspendues sur le fil ténu de la parole blessée, humiliée (celle
des musulmans ne se reconnaissant pas dans cet acte), de la parole
sordide et humiliante des préchi-précha donneurs de leçon, de la
parole de bien-penseurs convaincus de leur vérité à eux, de la
parole devenue revendicatrice de ceux mettant plus en avant leur
religion que leur appartenance à une nation. Juifs ou musulmans
confondus.
Tout cela
s'est fait si vite. Tout s'est mélangé en une boue épaisse. Une
mélasse tapissée de concepts détournés (la fameuse laïcité, la
liberté d'expression).
'Je pense
et, donc, je suis ' (après tout, osons) convaincue qu'il n'y a pas
de vérité toute faite, si ce n'est celle de nous amener là où
nous ne voulons pas TOUS aller. Les récalcitrants, ceux qui pensent
différemment doivent se taire. Sinon ils se feront moucher.
Les
émissions dévoilent cette logique. Dans ' On 'est pas couché '
(06-02-2015), Didier Bourdon s'exprime après le fameux ' mot ' de
Nicolas Bedos (qui se revendique d'un athéisme intégriste, en
réponse à toutes les religions radicales) en disant que les
Inconnus, au vu du contexte actuel, n'auraient peut-être pas pu
faire certains sketchs, comme ceux d'il y a 20 ans. Parole censurée,
mon caporal? Didier Bourdon montre 'le la', de ses gros yeux bouffis
de graisse.
Quoi ?
Qu'est-ce que ça veut dire, ces discours?
Voilà de
braves gars pour nous montrer deux voies: un mouton dodu nous
demandant de nous taire (ou plutôt de nous-auto-censurer), une
guest-star, un trublion téméraire (*), qui fait le show en lisant
un texte plutôt acéré sur un prompteur (en plus il a une belle
gueule, ça aide). Deux points de vue presque contraires, mis bout à
bout. A vous de décider vers qui vous penchez, ouailles éclairées
(?) qui écoutez cette émission. Je serais curieuse de voir de quel
côté penche la balance.
Il y a
une logique, derrière tout cela, de personnes qui nous gouvernent,
nous manipulent par le biais de notre collective émotion, de notre
sensibilité exacerbée (ou au contraire complètement avachie).
Il y a
une volonté, oui, une réelle volonté de vouloir abêtir la société
civile, de la désorienter, de la mener pour le bout du nez.
Dans
notre quotidien, il suffit de regarder autour de nous, de lire les
signes.
Les gens
rasent les murs. Tout sombres dans leur costume noir. Ils se taisent,
accablés par leurs poches trouées.
Pou
continuer à s'enrichir et régner, les grands de ce monde ont
intérêt à ce les peuples restent obnubilés par leurs soucis
quotidiens. Cela les empêche de se rebeller.
Nous
vivons dans un monde où la culture perd ses crédits, rentre dans le
moule, où la communication et le marketing prennent le dessus sur
les idées et la créativité (celle qui ose prendre des risques,
provoquer, interroger).
Le fric à
court terme des traders allié aux intérêts des multinationales
faisant main basse sur les moindres ressources de la Terre-mère
veulent assécher les actions réfléchies (à long-terme) de
citoyens conscients.
Pendant
ce temps, on assassine des tentatives de démocratie, on laisse sévir
les mauvais traitements, les tortures. On se rend complice de milices
fascistes. On se prend pour les plus grands de l'Univers. Même si
Dieu, seul, est à prompt à se prendre comme tel.
On
utilise des peuples pour s'en mettre plein les fouilles, en spéculant
sur les dettes de leur État. On tue une sagesse, celle de la
démocratie grecque et de son plus grand penseur, Aristote né il y a
plus de 2300 ans.
"
Pour qu'une société soit pérenne, elle doit non seulement être
juste, mais également amicale. L'amitié permet de dépasser la
notion de juste milieu et renforce l'idée de justice."
"
Le courage est un juste milieu entre la peur et l'audace "
(*)
"
Quel plus terrible fardeau que l'injustice qui a les armes à la main
"
Mais
il y a un os.
Dans
cette déconstruction systématique, dans ce vide qui se crée, qui
veut rendre nos cerveaux aussi fêlés que ceux d'une vache folle
(pauvre bête, elle aussi, victime de la folie de certains hommes),
il reste des lueurs. Des fantassins. Des troubadours. Ceux-là,
celles-là veillent. Agissent. Je l'espère.
Elles
restent le garant de notre liberté. De notre spiritualité. De notre
foi envers le genre humain. Ce qui nous conduit à nous rapprocher,
nous toucher par-delà nos divergences de fond, de religion,
s'appelle peut-être encore l'amour. Contre cet amour-là, les
mécréants prôneurs d'une société sans âme peuvent s'acharner.
Ils ne parviendront pas à l'éradiquer.
Même
s'ils cherchent à l'étouffer via des sites de merde. Même s'ils
veulent transformer des relations amoureuses véritables en actes de
sex-porno addict.
Le
désir reste à ré-inventer. C'est lui qui nous guide vers l'autre.
Mais il est mis à mal par une industrie débile et sans valeur, si
ce n'est pécuniaire. Enfin,vu les temps, c'est normal ...
Nous
sommes rentrés dans une nouvelle ère.
Celle
d'un monde de l'image, du flux constant d'informations invérifiables
tant elles sont nombreuses et décontextualisées.
Des
choses m'inquiètent, toutefois.
La
jeunesse suit des mouvements allant à l'encontre du bon sens.
La
jeunesse, c'est l'avenir des sociétés. Le XXIe siècle est le leur,
le mien fut celui plutôt insouciant de la 2e moitié du XX.
Entre
ceux qui tombent sous la coupe de gangrènes (fric à tout-crin*,
fascisme issu de la non-appartenance à une' élite dorée' - cf les
mouvements néo-nazis actuels récupérant leur désespoir et leur
leitmotiv ' no future ' - ), que reste-t-il?
Une
jeunesse mouton, quasi analphabète, avachie par le dernier avatar
d'une télé-réalité complice de leur absence de discernement, de
volonté.
Une
jeunesse qui se réfugie dans l'irréel (jeux vidéos, drogues,
religiosités, sectes: tout cela dans le même panier). Une jeunesse
citadine, coupée de la Nature.
Reste
celle qui s'interroge, regarde le passé pour comprendre le présent,
résiste aux sirènes de mort ou du pouvoir de l'argent dans sa
démesure...: elle est là. Peu nombreuse, je le sais.
Mais,
Dieu merci, il y en a encore. Ne la laissons pas s'envoler vers
d'autres rives!
Donnons-lui
de l'espoir, bordel de merde. Qu'ils puissent entraîner les autres
dans un élan de reconquête de leur pensée propre.
Qu'ils
puissent aussi se lever pour plein de combats (soigner la Nature.
L'aimer. La maintenir en vie, etc etc).
Un
signe, ce matin. Un homme, sur l'onde d'une radio. Mohammed Cherani.
Il a failli partir en Grande-Bretagne. Il est finalement resté. Il
a l'air d'avoir du chien. Voyons voir ce que lui (et d'autres)
feront.
Reste
enfin d'autres petites pépites. Et là, il y a matière à beaucoup
d'espoir: dans l'humour, l'éclat de rire. Hier soir dans un bus avec
une amie, une autre fois dans un restaurant avec un quatuor de
quadra, dont je faisais partie (composée d'une Française marocaine
et musulmane, d'une spirituelle (votre modeste plume), d'une
Française de père guadeloupéen et de mère italienne, d'une
Française dont les parents sont camerounais et guadeloupéens).
Pour
dépasser le tragique (prégnant dans certaines religions,
malheureusement, à moins qu'elles parviennent à s'assouplir),
gardons notre capacité à rire de tout. A nous moquer de nous-mêmes.
A être faussement sérieux, comme dirait Luciano Tovoli...
L'avenir
nous appartient. A nous de nous battre pour garder certaines valeurs.
Au nom de nos enfants.
*Je
pense à ces jeunes trentenaires issus d'écoles de commerce, de
marketing, de communication, prêts à vendre père et mère pour
s'imposer. Croyant avoir tout compris.
Leurs
tablettes sont sans doute leur nouvelle bible (ou Torah, ou Talmud).
Leur arrogance se fout de tout. Tant qu'ils ont des cuillères
d'argent dans la bouche et des valets pour les servir.
Cela
poste cette autre question: si l'argent est important pour vivre,
faut-il servir les autres, parce qu'il faut juste gagner sa vie, pour
être libres? Le travail a-t-il encore une réelle valeur?
Bon, on ne va en
remettre un autre débat sur la table ….
(ma petite voix
intérieure me dit ' A table' ). Il est 14h47...
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