dimanche 20 décembre 2015

Pensées autour de Boussole


Hier était fait de joies et d'éclats de rire
Chez Ludwika Ogorzelec,
Ce petit bout de femme, mondialement reconnue
Pour ses œuvres gigantesques et délicates à la fois.
Créatrice du concept cristallisation de l'espace,
Elle a travaillé avec César dans son atelier.
Elle nous a reçus chez elle,
En toute simplicité, entre vin et vodka,
Concombres et houmous.


Il fallait bien un contrepoids à cette soirée lumineuse.
Aujourd'hui est triste et lugubre
Dans ce Paris demi-lune, ce Paris anonyme, ce Paris sans traces
Qui a fait disparaître l'âme de quartiers entiers
A cause du creusement de ces grandes avenues uniformes.

Je l'ai oublié, le temps de deux heures.
$ur un banc, face au rocher des Buttes Chaumont, crée de toutes pièces
J'ai lu de plein gré. Consentante, prête à abandonner mes faiblesses.
(céder à la tristesse, me jeter sur la tartelette à l'orange trônant au fond de mon sac)
Ce livre exceptionnel,
Tout un chacun devrait le posséder,
De Natacha Polony à Yann Moix en passant par Eric Zemmour.

Le splendide Boussole de Mathias Enard.

Rien ne m'a distrait :ni les cris des enfants, ni les plaintes des mouettes
Se battant pour un quignon de pain et opérant de superbes arabesques dans le ciel.


Ah! Mathias Enard est un maître.
Il nous permet d'accéder à une autre altérité,
Repoussant - enfin!- le narcissisme de tant d'auteurs français.
Elle est faite de déserts, de reines de Syrie oubliées,
D'Orientalistes passionnés, minés par la perte de ruines
Que les fous de Daechs saccagent comme des damnés.


Ce pont entre deux rives, Orient et Occident,
Mon ami syrien, Adnan Azzam, l'avait rêvé et bâti
En parcourant à cheval des centaines de kilomètres
Avec sa princesse d'alors.

C'était il y a 20 ans.


Mathias Enard fait plus.
Il nous offre ce qui n'est plus.
Il nous le donne à lire, à l'imaginer.


A Paris, où tout est gris,
Il faut replonger dans ce temps
Absolument s'y forcer
Et c'est si bon, car la plume d'Enard coule comme du miel !


Cette lecture est une opiacée aussi forte que les paradis artificiels de Damas
Elle me subjugue, me libère de ma tristesse
Quand je me promène dans un Paris de dimanche de décembre
Seule, aussi désargentée que l'ami Balsac,
Oppressée par la morosité ambiante
Qui inhibe la chaleur de la vie,
La réduisant à des mots ou des tweet sans saveur aucune.

Elle m'empêche de sombrer dans une fureur que certains franchissent
En allant rallier le vide, là-bas, dans ces contrées parcourues par l'auteur.
Cette lecture m'adoucit.
J'entends ce petit garçon de quatre ans claironnant de sa charmante voix d'enfant
«  C'est Star Wars ! »
Un homme a revêtu la cuirasse blanche des soldats de Dark Vador
Près du cinéma du Canal Saint-Martin.
J'ai un sourire amusé ( et non caustique) aux lèvres.


Tous les auteurs ne sont pas cyniques comme Houellbecq
Ou méchants comme Yann Moix quand il dit à Audrey Pulvar,
Sur un plateau de télé:  « Vous écrivez mal »


La tristesse n'est pas cynique
L'amertume, le ressentiment pourrait l'être.

Reste la nostalgie...
Elle devient belle, cette dernière,
Quand elle transcende des lieux ou des personnes oubliés
Et les glisse dans notre mémoire
Comme des fleurs du désert.

Ainsi elle participe à la transmission des siècles.

Mathias Enard, merci.
Je vais continuer à explorer l'Orient, de chez moi.
Un jour, j'irais. Souhaitez-le moi.

Aucun commentaire: