mercredi 2 décembre 2015

Claire et les autres

" L'amour ne s'éteindra jamais. Il traverse les espaces et le temps, donne à ceux qui sont blessés dans leur chair, leur âme un puissant antidote à la haine: le sentiment de l'éternité. Personne, et sûrement pas les fanatiques de la mort, ne pourra rien contre ça."

C'est pour Claire, morte sous les balles des fous, au Bataclan, que j'avais écrit ça. 
Claire était la nièce adorée de ma chère amie-collègue, Coco. Elle était une jeune femme de 23 ans, dont Coco ne tarissait pas d'éloge. 
Nous avions l'impression de la connaître. Brillante, sortie de Sciences Po, diplômée d'une grande école de commerce, préparant une thèse sur le Bouddhisme et l'Occidentalisme, elle ne faisait que vivre à fond. 50 kgs, 1m70. Hyper-active, toujours perchée là où sa tante ne l'attendait pas. 
Elle est morte d'une hémorragie, à cause d'une balle qui a troué sa cuisse. Son petit ami, avec qui elle devait se marier l'année prochaine, a survécu. Il est reparti en province. Il ne reviendra jamais au Bataclan. Peut-être ira-t-il vivre loin d'ici.

Claire était aimée de tous. Elle est l'incarnation d'une jeunesse détruite en plein vol. Ce n'est pas seulement elle qui est morte. Ce sont tous ceux qui doivent rester debout, sa mère, son père, ses grand-parents de 87 ans, ses tantes, ses cousins, cousines. Ses amis. Ses amies. Ses connaissances. Son amoureux. 
Jamais je ne pourrais oublier le regard fixe de ma Coco. Ses mains qui étreignent les miennes. Son sac à main d'où elle extrait sans arrêt le faire-part de Claire. Avec une douleur qui éclate à chaque minute et qui l'étouffe. Elle qui aime tant rire a les yeux explosés. Elle n'arrive plus à dormir sans cachetons. Je ne parle même pas de la mère de cette enfant unique.

130 morts. Combien de centaines d'autres, en sursis, avec la douleur du matin, qui re-surgit sans cesse, et cette idée fixe: " ce cauchemar n'existe pas.... dites-moi, mon Dieu, qu'il n'existe pas."

J'écoute le pianiste, Byron Janis égrenant des mélodies d'amour, sur Radio Classique.

Où vit encore l'amour, chez ces êtres dominés par l'incompréhension, la colère?
Je ne peux qu'espérer une chose, qu'il leur soit donné de reprendre goût à la vie, avec toutes les beautés qui existent sur cette Terre (car il y en a malgré tout). 
A nous de les aider à sentir, écouter, bouger, respirer, pour qu'ils sachent combien nous tenons à eux. 
Le chemin sera long pour tous.
Il s'agit de tenir. 

Un ami syrien, très cher à mon coeur, a décidé de repartir au pays. Depuis 6 ans, il vit au quotidien avec la mort. Il préfère pourtant être là-bas qu'ici. Il défend l'armée syrienne libre contre Daech. Il l'aide à tenir. Il vit avec 100€ par jour. Il écrit, donne des interviews, nourrit les soldats, panse les blessures. Son amour pour la Syrie reste plus fort que tout le reste. Il veut laisser une trace. Un village traditionnel, avec ses coutumes, qu'il fera construire. Pour y inviter les Occidentaux. 

Là où Daech lance ses hordes de fanatiques, des hommes se battent pour résister. 
Cet ami reste une lueur. Celle d'un idéal plus haut que tout. 
Je prie pour Claire. Je prie aussi pour lui. Pour que l'amour ne s'éteigne pas. 

Les mots écrits pour une jeune femme partie trop vite s'appliquent aussi à cet ami. Par-delà les horizons, ils doivent résonner. 








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